Les étapes de réalisation d’un vitrail au Moyen Âge nous sont bien connues par le Traité de Théophile Des Divers Arts et grâce à la conservation exceptionnelle d’une table de peintre verrier, véritable « carton » d’un vitrail qui est encore en place dans la cathédrale de Gérone, en Espagne.
Cependant, devant des figures de plus de cinq mètres, on se pose encore de nombreuses questions. Étaient-elles tracées sur des tables ou sur le sol ( le plancher d’épure des tailleurs de pierre) ? On pense que ces figures monumentales nécessitaient parfois un dessin préalable sur un support mobile comme une toile de lin puisque l’on ne connaissait pas le papier. Cette toile pouvait être suspendue et l’on pouvait ainsi juger de l’effet du dessin. Il suffisait de dérouler la toile sur un établi pour ensuite, par transparence, couper, peindre et enfin assembler au plomb les morceaux de verre. Mais aucun support de ce type ne nous est parvenu.
L’utilisation d’une toile expliquerait la réalisation de personnages « retournés » lorsque de grandes séries de personnages devaient être exécutées, comme c’est le cas par exemple, dans les fenêtres hautes de l’église abbatiale de Saint-Pierre de Chartres (collège des Apôtres). De nombreux personnages sont en fait des répliques d’un seul et même carton, inversées droite – gauche, avec changement de couleurs et d’attributs.
Pour cette raison, la réalisation d’une copie d’un vitrail à l’échelle 1, l’original étant relativement conservé, s’est avérée particulièrement intéressante. On peut ainsi confronter deux vitraux réalisés l’un pour une baie haute, et l’autre pour une baie des bas côtés (voir étape 2 : Le vitrail de saint Apollinaire), avec celui de Coutances d’une échelle intermédiaire (voir étape 3 : La peinture sur verre). Les différences techniques et stylistiques sont minimes. La qualité, la finesse et le détail de la peinture sont identiques malgré la dimension des pièces de verre et la hauteur à laquelle est placé le vitrail.
Naturellement, dans le vitrail du « grand ange thuriféraire« , les pièces de verre sont plus grandes à cause de la monumentalité du sujet. Le vitrail reprend la même gamme colorée qui, comme pour les autres vitraux de cette période, se résume à quelques couleurs pures déclinées en valeurs claires et moyennes pour des raisons de lisibilité (deux jaunes, deux bleus, deux verts…).
La baie 101, à laquelle appartient ce vitrail, est constituée de trois registres superposés. Dans la partie inférieure sont représentés les donateurs, une famille des environs de Chartres, identifiée par le nom de « Gaufridus ». Dans la partie médiane, on trouve Aaron tenant le bâton fleuri, en qui le Moyen Âge voyait une préfiguration de la virginité de Marie. Enfin dans la partie supérieure, l’ange immense (il occupe la moitié d’une baie de plus de 10 mètres de hauteur), encense la Vierge et l’Enfant représentés dans le vitrail voisin, celui de la baie d’axe (baie 100). On pense à l’archange Gabriel, celui de l’Annonciation, mais celui-ci étant déjà représenté au bas de la baie d’axe, on peut supposer que c’est un autre archange, Michel, qui est représenté ici en tant que protecteur de l’Église.